130 podcast – Florence Alix-Gravellier : De numéro 1 mondiale de tennis en fauteuil, à Vice présidente de la FFT et conférencière

Florence Alix Gravellier

J’ai le plaisir de recevoir aujourd’hui une femme extraordinaire dans le podcast : Florence Alix-Gravellier.

Née avec une malformation à la hanche, Florence a dû très tôt faire face à des défis immenses. Mais loin de se laisser abattre, elle a choisi de transformer ces obstacles en opportunités. En parallèle de ses études à Sciences Po, elle se lance dans le tennis en fauteuil et devient numéro une mondiale, marquant l’histoire de ce sport.

Aujourd’hui, Florence est vice-présidente de la Fédération Française de Tennis, conférencière et coach. En tant que médaillée olympique, dans quelques jours, elle commentera les Jeux Paralympiques depuis Roland Garros, ajoutant une nouvelle corde à son arc.

Je vous souhaite la bienvenue dans l’univers de Florence Alix-Gravellier.

Pour écouter l’épisode de podcast avec Florence Alix-Gravellier sur SPOTIFY DEEZER APPLE PODCASTS GOOGLE PODCASTS YOUTUBE et ici ☟

Dans cet épisode de podcast avec Florence Gravellier, découvrez :

Florence nous partage :
– L’importance d’être aligné avec ses besoins fondamentaux, symbolisés par l’acronyme BALLE : Besoin d’Appartenance, de Liberté, de Légitimité en Équilibre ;
– Comment elle a transformé un handicap en force grâce à sa résilience innée, en réapprenant à marcher plusieurs fois dans sa vie et en devenant numéro une mondiale au tennis en fauteuil ;
– Sa vision de l’adversité comme source d’opportunités et le rôle crucial de l’humilité dans ce processus.

Nous avons également parlé :
– De résilience et de comment surmonter et mettre la notion de choix dans les défis imposés par la vie ;
– De la transformation personnelle par le sport ;
– De la quête de l’alignement ;
Et évidemment d’écouter sa petite voix et se dire Pourquoi pas moi !

Cette balle aujourd’hui, elle symbolise justement cette espèce d’accomplissement, pas à travers un trophée, pas à travers une médaille, justement, mais à travers ce que ça représente. On a besoin de mettre justement ces besoins en alignement. Et quand on regarde les lettres, BALLE, ça fait:
Besoin
d’Appartenance
de Liberté
de Légitimité
en Equilibre.
Ces 5 lettres qui s’alignent très bien.

C’était une période forcément un petit peu compliquée puisque, je suis née avec un handicap et qui m’a accompagnée tout au long de mon enfance. J’ai eu une malformation de naissance de la hanche.

On a tous cette capacité de résilience de manière innée. Par contre, on l’oublie beaucoup quand on grandit, et particulièrement quand on devient adolescent et encore plus à l’âge adulte, parce qu’on commence à mettre des couches de vernis sociaux.

Quand on apprend à marcher, quand on est tout petit, on ne se pose pas du tout de questions sur notre capacité à réussir l’exercice. On apprend, on essaye de se lever. On tombe en règle générale, et puis on recommence. Et moi, j’ai eu la chance, après, de faire ça un peu plus tard au cours de mon parcours. Et la dernière fois que j’ai appris à marcher, c’était il y a cinq ans, puisque j’ai eu une prothèse totale de hanche. Et donc, j’ai à nouveau dû réapprendre à marcher. Et il est très probable que dans mon parcours, j’aurai de nouveau à apprendre à marcher. Mais oui, j’ai marché et j’ai eu la chance. Oui, je le dis aujourd’hui, c’est quand même une chance dans cette difficulté, mais j’ai eu la chance d’apprendre à marcher et de me souvenir de cette capacité naturelle de résilience de façon régulière.

J’ai cette vision de l’adversité aussi comme une source d’opportunité, d’ailleurs, parce que je crois que c’est quand même une des seules manières psychologiques de pouvoir la traverser. Parce que si on ne voit l’adversité que comme une source d’adversité, c’est terrible. Et une des autres particularités quand même d’apprendre à marcher, surtout quand on est adulte, c’est qu’il y a un besoin d’humilité qui est très fort, parce que la rééducation c’est au départ, trois pas en arrière pour un pas en avant. Et ça dure longtemps, ce chemin-là. Ça dure longtemps. Ensuite, c’est deux pas en arrière pour un pas en avant. Et puis un jour, ça s’inverse. Mais c’est comme des pas de fourmi. Donc, si au moment où on le traverse, on n’est pas quand même convaincu que de ces moments très difficiles, et apprendre à marcher n’a pas été le seul moment très difficile de mon parcours de vie, mais si on n’est pas convaincu qu’on est capable d’y trouver aussi des opportunités, Alors, c’est psychologiquement invivable.

Je vois toujours l’opportunité dans l’adversité, le bonheur dans le malheur.

Petite fille, je voulais faire Sciences Po parce que je voulais être présidente de la République. Je voulais être la première femme présidente de la République. C’était assez précis. Ce n’était pas tellement pour la fonction que… Je pense que j’avais déjà un peu ce de l’autre côté girl power.
Je n’ai pas une ambition de pouvoir du tout, mais j’ai toujours eu cette envie de changer la vie des gens.

Malgré tout, j’ai eu un parcours scolaire… j’ai fait un sans faute, mais je ne me rendais pas du tout compte que je faisais un sans faute. C’est après coup, quand j’ai vu une thérapeute quand je devais avoir 40 ans à peu près et on parlait justement de ces questions des hauts potentiels, etc. Et puis, elle m’a dit: Mais est-ce que vous vous rendez compte du parcours scolaire qui a été le vôtre ? C’est-à-dire en ayant six opérations majeures pendant votre scolarité, vous arrivez a être diplômé dans les temps. J’ai eu mon bac à 17 ans et demi. J’étais diplômée de Sciences-Po Bordeaux à 20 ans.

J’ai mené de front la rééducation avec le mémoire de recherche sur la politique étrangère de l’Union européenne. Après, c’était aussi une époque où les études avec un handicap, ce n’était pas facile. J’ai aussi dû me battre au départ pour qu’on reconnaisse le tennis en fauteuil comme un des sports que je pouvais faire à Sciences-Po. Après, en deuxième année, comme je suis opérée, je ne peux plus faire de tennis en fauteuil en dehors. Pendant un an, je ne joue pas du tout. Et là, du coup, on me dit: Il va falloir faire un cours supplémentaire pour compenser la dispense de sport. Donc, je suis en rééducation, je suis fatiguée, je ne peux déjà pas aller en cours magistral et on me demande de faire 25 heures de cours sur l’histoire des régionalismes et des séparatismes en Espagne du XIXᵉ siècle à nos jours.

Et à quel moment dans ta vie le tennis est rentré ?
Il rentre justement à cette période de lycée et c’est le sauveur, le tennis. Je ne m’en suis pas rendue compte non plus sur l’instant, mais ce début de seconde où je ne suis tellement pas bien dans ma tête et donc pas bien dans ma famille. Je suis un peu en mode rebelle, mais pour des raisons plutôt… C’est plutôt l’idée de la cocotte minute. Il faut de temps en temps enlever un peu la soupape pour qu’elle explose pas.

Et donc moi, un jour, je suis montée en pression et puis je me suis mis un peu à crier en disant: Oui, puisque c’est comme ça, je vais faire du basket en fauteuil et puis on verra bien qui est-ce qui est handicapé dans la famille. Et la réalité, c’est qu’on était dans une petite ville qui était Saintes et donc à Saintes, il y avait pour les personnes handicapées, il y avait tir aux armes ou tennis. Donc, moi, j’ai coché plutôt la case tennis.

Pourquoi ? Parce que j’étais quand même quelqu’un qui n’avait pas une grande dextérité. Et l’idée de me donner une carabine n’était probablement pas une très bonne idée. Il valait mieux me donner une raquette qu’une carabine, donc je suis allée au tennis.

Ça illustre bien aussi le fait qu’on n’a pas toujours beaucoup de choix quand on est en situation de handicap et/ou quand on habite dans certains lieux, c’est-à-dire que toutes les opportunités ne sont pas disponibles tout le temps. Et ça illustre bien aussi le fait que malgré tout, il faut réussir à mettre des choix là où on n’en a pas. C’est-à-dire que malgré le handicap que je n’ai évidemment pas choisi, cette période de ma vie que je n’ai évidemment pas choisi, j’avais ce truc quand même de vouloir faire du sport. Et donc, j’ai choisi de faire du sport. Je n’avais pas d’affinité particulière avec le tennis, mais j’ai quand même choisi le tennis et choisi de me mettre dans une situation de performance. Je n’avais pas du tout d’affinités non plus avec la notion de compétition. J’y suis allée au départ vraiment pour sortir, pour me réinventer un peu, mais surtout pour sortir, pour faire un truc pendant que les autres allaient en classe de sport. Et c’est ensuite le choix de me servir de cet outil-là pour aller plus loin dans ma vie qui a été salvateur.

Là, tu commences à jouer au tennis. Est-ce qu’on se rend compte que tu es douée ?

Je n’étais pas douée. Je ne suis pas douée et je le maintiens encore aujourd’hui.
Moi, je n’étais pas douée, mais j’étais douée pour le travail. J’avais un vrai talent pour le travail et je me suis toujours engagée à fond dans ce que je faisais. Et ça, ça a été décelé assez tôt. Après, la réalité, c’est qu’au moment où je démarre, il n’y a pas beaucoup de filles qui jouent, en tout cas en France, que que j’ai un handicap, une typologie de handicap qui se prête assez bien à l’évolution vers la haute performance et surtout que je suis très douée pour le travail. Je suis quelqu’un qui peut… J’accepte. D’abord, j’accepte de ne pas être la plus douée. C’est un des trucs qui est difficile avec les gens très talentueux, c’est qu’ils ont beaucoup de difficulté à accepter qu’on les remette en cause et qu’on leur dise: Ce n’est pas fou ce que tu es en train de faire.
Tu peux faire Moi, j’ai toujours pris le peut mieux faire au pied de la lettre. C’est-à-dire: OK, d’accord, je peux mieux faire, je vais continuer à travailler.

Je me dis : je vais faire sport et je vais essayer de percer dans le tennis en fauteuil. Et à ce moment-là, il y a aussi un de ses petits aléas de la vie. Plus une synchronicité d’ailleurs qu’autre chose, parce que je pense que ça sera arrivé plus tard. Mais il y a une joueuse pour laquelle j’avais d’ailleurs beaucoup d’admiration qui est Horistelle Marx, qui est pour moi la fille qui a ouvert la voie dans le tennis fauteuil féminin en France. Et Horistelle, malheureusement, se blesse alors qu’elle était à ce moment-là, elle était peut-être huitième mondiale. C’était vraiment une très, très bonne joueuse. Et donc l’équipe de France a besoin d’une troisième pour venir faire du remplacement derrière les deux autres. Et donc, je suis appelée en équipe de France et je me retrouve à partir pour la première fois aux États-Unis, à New York. On est juillet 99, ce New York d’avant le 11 septembre, ce New York où on n’a pas encore de téléphone portable, on est loin, on est coupé de la famille.

Je découvre là que le handicap peut aussi être un synonyme d’une vie de bonheur et une vie de voyage, une vie d’aventure.

J’ai commencé à enchaîner les tournois, au départ, avec des succès assez relatifs, c’est-à-dire ça gagne, ça perd. Et puis, deux ans et demi après, là, je me dis maintenant, ça doit être du 100%. Donc début 2002, je décide de revenir m’installer chez mes parents, de prendre vraiment un coach à temps plein et de me donner les moyens de percer pour vraiment entamer une carrière au plus haut niveau.

J’ai mis du temps à rentrer dans les Grands Chelems et à ce moment-là, même en gagnant le tournoi dans un grand Chelem, on gagne 10, 15, 20 fois moins que ce qu’on a quand on perd au premier tour du tableau valide.

J’ai surtout vu mon propre regard sur moi changer. Et ça, ça a fait changer complètement la façon dont je percevais le regard des autres. C’est-à-dire qu’en vrai de vrai, si tu me disais: Qu’est-ce qui a changé ? Je serais incapable de te dire autre chose que le fait que moi, j’ai changé la perception que j’avais. C’est-à-dire que ce que les autres pensaient devenait beaucoup moins important. Même si je pense que c’est assez intrinsèque aux personnes qui ont connu le handicap ou des difficultés encore une fois, de type complexe, etc, depuis un jeune âge. Mais j’ai toujours été très perméable au regard d’autrui. Pardon. Mais j’ai commencé à m’en détacher en tous les cas et à être moins affectée par le regard d’autrui. Je dis souvent que j’ai joué au tennis pour me réinventer. Je pense que ce n’était pas conscient à ce moment-là, mais qu’en tout cas, je me suis réinventée à travers le tennis et j’ai changé mon regard sur les autres. J’ai aussi joué au tennis pour être admirée et ça a marché. C’est-à-dire qu’à un moment donné, quand on devient un champion dans le monde paralympique, ce que les gens évoquent en premier, c’est ce qu’on apporte, c’est la contribution, c’est ce qu’on fait.

C’est un des grands combats d’aujourd’hui, justement, de ne plus centrer le sujet quand on parle des athlètes paralympiques, uniquement sur leur parcours de résilience. Il faut en parler évidemment de ce parcours de résilience, mais de ne plus le centrer que sur ça et de le centrer aussi sur le parcours de performance. C’est la raison pour laquelle les Jeux paralympiques ont été créés, c’est l’ADN des Jeux Paralympiques.

Florence, comment on fait pour bien accueillir une personne en situation de handicap dans notre équipe parce qu’on veut être bienveillant, on veut bien faire les choses et tout ça. Donc, concrètement, comment on fait pour prendre en charge le handicap dans l’entreprise ? Je dis: Je ne sais pas. Commencer par dire bonjour, recréer un lien humain. Parce qu’en fait, finalement, qu’est-ce qui fait qu’on est là ensemble à discuter autour d’un micro ? C’est qu’on a créé un lien, c’est qu’on a fait connaissance. Et ce n’est pas le fait que la question n’est pas comment j’accueille une femme dans l’entreprise ? C’est comment j’accueille une personne ?
Évidemment, après, il se passe qu’il y a effectivement des besoins particuliers. J’emploie ce mot à dessein. Il y a des besoins particuliers des personnes quand elles ont un handicap, mais aussi quand ce sont, par exemple, des parents qui peuvent avoir des jeunes enfants et qui peuvent avoir des besoins associés à leur parentalité et quand ce sont des personnes qui peuvent être malades, et quand ce sont des personnes qui ont des troubles de santé mentale, etc. Donc, il faut aussi recentrer la question sur, un, la relation humaine qui est prédominante surtout.

Je travaille beaucoup sur cette question de la réussite et il y a beaucoup de confusion entre qu’est-ce que c’est l’ambition, qu’est-ce que c’est l’humilité ? Est-ce qu’on peut être ambitieux et humble à la fois ? Toutes ces choses-là.

J’entends aussi souvent les gens me dire: Oui, mais bon, ça va maintenant, à trop s’écouter, on ne va pas avancer. Et puis, inversement, j’ai des gens qui me disent: Il faut foncer, il faut foncer. De toute façon, la résilience, à un moment donné, tu te lèves et puis tu y vas. Il n’y a rien d’impossible. Moi, je ne suis pas dans cette logique-là. Dans ce que moi, je défends, dans la méthode aussi que j’utilise pour accompagner les gens, il y a cette idée d’avoir… Ça s’appelle Rebond, d’ailleurs, ce n’est pas complètement anodin par rapport à l’histoire de la balle. Mais il y a cette première étape qui est de Réapprivoiser l’adversité et donc accepter qu’il y a des trucs qu’on subit, il y a des trucs qui nous arrivent et c’est OK de purger ça aussi d’un point de vue émotionnel et mieux subir pour moins souffrir. C’est ça l’idée.
C’est en tous les cas, parce qu’on sait qu’on va garder un niveau de douleur qui est existant, mais essayer de faire baisser la souffrance qui est associée à cette douleur, ça, ça me paraît être un premier truc.

Et puis après, il y a aussi la deuxième étape, j’ai élargi ma zone de responsabilité, c’est-à-dire à un moment donné, dans ce chemin de subie, je vais commencer à refaire quelques choix, même si je suis dans un contexte où je n’ai pas le choix, mais je vais commencer à poser les choix. Et ça, je m’en rends compte, par exemple, chez les personnes malades qui vont commencer à dire: Mais moi, voilà la manière dont je veux être perçue en tant que malade. Il y a malade, il y a victime, il y a fonceur, super résilient, etc. Puis, il y a toute une gamme de façons de voir les choses qui peuvent être d’un côté au de l’autre du curseur. Et ça, chacun doit faire son chemin par rapport à ça. Mais effectivement, en gardant toujours le fait qu’on vit sur un fil qui est relié à l’autre. Et qu’en fonction de la façon dont on pose le curseur, soit on s’oublie complètement soi, soit on oublie les autres et qu’à un moment donné, le sujet, c’est comment on trouve l’équilibre entre les deux.

Quand on me pose cette question de quel a été ton plus gros succès ou quelle est ta plus belle réussite dans la vie ? Moi, je dis toujours: Ce n’est pas les médailles. Ça, c’est comme un chiffre en entreprise, c’est comme atteindre les meilleurs chiffres de toute sa carrière, être le meilleur vendeur, etc. Tout ça, c’est super si on s’attache à ça comme résultat. Mais pour moi, le symbole le plus fort, ça a le jour où j’ai pu sortir en marchant dans la rue en tenant mes deux filles par la main, parce que c’est un des challenges d’être parent de jumeaux, c’est qu’on a deux enfants qui ont souvent les mêmes besoins, justement, en même temps. Et moi, pendant toute une période de leur enfance, en gros, pour leurs cinq premières années, comme j’avais toujours une canne dans la main, je ne pouvais marcher qu’en tenant une seule. Et la deuxième, soit elle tenait la main de son père, soit elle tenait la main de sa sœur. Et après, après ma dernière intervention, j’ai pu marcher sans canne, tout d’un coup, j’ai pu les tenir chacune par la main. Et ça, pour moi, ça a une signification aussi d’alignement et tout ça qui est hyper forte et qui est le moment où je me suis dit: Là, oui, j’ai cette espèce d’équilibre dans mes besoins et de ce fait, je suis capable de respecter mes besoins tout en respectant les autres. Il y a eu cet instant où je me dis: OK, c’est là. Et là, j’ai trouvé mon point d’équilibre. Après, on n’est jamais complètement assis sur son point d’équilibre aussi. Il y a un vrai travail à faire pour continuer à, pour trouver son alignement et pour continuer à être aligné tout le temps.

Mais qu’est-ce qui t’a aidé à tenir ou qu’est-ce qui t’a forgé là-dedans ? Encore une fois, moi, j’ai une vision assez naturelle de la résilience, mais je sais aussi que c’est quelque chose qui doit être cultivé et nourri par soi-même quand on commence à être grand et puis par les autres dans l’éducation. Moi, je travaille beaucoup sur ça avec mes enfants en essayant de les nourrir. Mais comme moi, j’ai regardé ce que j’avais eu quand j’étais petite, je me dis: J’ai un modèle maternel. J’avais un grand-père maternel, des grands-parents maternels qui ont été aussi très présents et qui ont été un vrai moteur dans mon parcours de jeune enfant. Mais mon beau-père, le nouveau conjoint de ma mère qui est rentré dans ma vie assez jeune, est venu avec des parents et notamment un grand-père beau-paternel. Je l’appelle mon grand-père beau-paternel, Il y a aussi eu des grands-parents paternels. Mais mon grand-père beau-paternel était pilote à l’époque de la fin de la Seconde Guerre mondiale et puis ensuite, contemporain de la fin de Saint-Exupéry.
Il a eu la chance de rencontrer Saint-Exupéry et de partager aussi un bout de morale. D’ailleurs, il me dis un jour où il était venu, Saint-Exupéry, en formation dans le bureau de mon beau-père qui était jeune pilote et qui faisait une formation sur la sécurité Il dit: Vous n’avez rien à faire là, monsieur de Saint-Exupéry. Il lui avait dit: Mais détrompez-vous, Blanchet, on a toujours quelque chose à apprendre. Et ça, il nous a beaucoup raconté cette histoire et pour moi, ça a été un Ça aussi, on a toujours quelque chose à apprendre. Pour moi, c’est peut-être la meilleure morale de Saint-Ex que je veux garder aujourd’hui et qui est très personnelle. Et le truc, c’est que mon grand-père, il disait toujours: Au-delà des nuages, le soleil brille toujours. Mais il le disait avec sa conscience de pilote, c’est-à-dire moi, j’ai fait l’expérience.

Pour moi, ça a été un moteur de vie : Au-delà des nuages, le soleil brille toujours.
Et mon mari me dit toujours aujourd’hui: Comment tu fais quand on a une galère ? On a l’impression que tu étais déjà dans la solution. Moi, je suis toujours en train de pleurer. En fait, oui, c’est la réalité. Je crois que c’est par contre le propre des gens super résilients, mais pas juste super résilients de fait. Les gens qui ont conscientisé et vraiment synthétisé leur résilience, c’est qu’aujourd’hui, je suis capable de faire cette trajectoire du rebond dans l’espace d’une seconde ou de quelques minutes parfois, alors que lui, qui a peut-être moins travaillé sur ces questions-là, même s’il a vécu des choses difficiles, il va les faire, toutes les étapes du rebond, mais il va aller faire à un rythme et peut-être avec un niveau de souffrance qui va être plus élevé.

Quand on a une galère, en général, ça ne m’empêche pas d’avoir mal, ça ne m’empêche pas de pleurer, ça ne m’empêche pas de temps en temps d’être en colère aussi contre ce qui peut nous arriver. Mais très, très vite, je suis dans la solution et dans entraîner les autres vers la solution.

On a tendance à penser que l’accompagnement psychologique, au contraire, c’est presque… Soit c’est une faiblesse, c’est une notion de faiblesse, soit on va emmener les gens à être dans trop de: Non, pardon, mais il ne faut pas être brutalisé. Pour moi, c’est vraiment la question de l’équilibre qui est au cœur de ça. C’est l’équilibre entre…
Moi, les gens qui me disent: On fonce, fonce tête baissée, vraiment, j’ai envie de leur dire: Tu vas exploser en vol.
Ou alors, tu es en train de nier une colère, une tristesse, une émotion en tout cas, qui ne ne meurt pas parce que tu as mis cette carapace, qui est peut-être nécessaire au tout début. Oui, bien sûr. Chez les grands traumatisés, il y a souvent ce besoin tout de suite de mettre une carapace. Mais attention, justement, au burn out de super héros.

Attention à ce qu’on ne cannibalise pas l’histoire des gens.

Parce que l’histoire d’un tel ou un tel qui s’est remis d’une adversité colossale, ça ne représente pas 99% des histoires de vie des gens qu’on rencontre tous les jours dans les entreprises. C’est important de donner du rêve, de donner de l’inspiration, mais il ne faut pas qu’on se retrouve enfermé dans cette inspiration, parce que sinon, on annule tous les potentiels des gens. Et je commence, moi, par toujours reprendre les gens qui viennent me voir en me disant: Bon, par rapport à la vôtre, moi, mon histoire, ce n’est pas si grave. Non, attendez. En fait, vous enlevez le par rapport à la vôtre. Quelle est votre histoire ? Moi, je veux entendre votre histoire à vous. Elle est juste parce que c’est la vôtre et qu’elle vous provoque des émotions.

Tu ne peux pas comparer la douleur de l’un avec l’autre parce que tu es une personne avec des blessures, tu es une personne avec ton histoire.

Je dis souvent aussi: Il n’y a pas de naturel. Plus c’est naturel, plus ça a été travaillé avant.

Pour moi la seule définition de la réussite, c’est cet alignement. C’est cet alignement entre ce que moi, j’ai identifié comme étant mes besoins fondamentaux, mais qui sont finalement les besoins fondamentaux d’à peu près tout le monde : l’appartenance, la légitimité, la liberté, ces besoins qui vont peut-être s’exprimer de manière différente, mais qui sont là.
Je pense qu’une fois qu’on a trouvé cet alignement, et donc ce qui je suis et quelles sont mes valeurs fondamentales, etc, il ne faut pas en sortir.

Je pense que de toute façon, tous les exercices routiniers nous obligent à une certaine prise de conscience. Parce qu’à partir du moment où on doit Moi, j’ai appelé ça le rendez-vous des fiertés. C’est un truc que je donne régulièrement quand je suis amenée à coacher des personnes. C’est un des premiers exercices que je donne à faire, créer un rendez-vous des fiertés. Rien que le fait de le faire ou de ne pas le faire, de s’y tenir ou de ne pas s’y tenir, dit quelque chose de soi. Et une fois qu’on s’y tient, ce qu’on est capable de mettre dedans, c’est: OK, cette semaine, j’ai fait trois trucs bien. Et pas: On a fait, l’équipe a fait, les autres ont fait. Et: Moi, qu’elle a été ma contribution dans ce truc-là ? Et ça, c’est un truc qui est pas facile à faire.

À quel moment dans ta vie, tu t’es dit pourquoi pas Tard.

Je pense que je me le dis consciemment aujourd’hui. Et je pense que quand j’étais petite fille, j’ai dû me le dire, quand je pensais que je pouvais être présidente de la République, mais ce n’était pas conscient. Et après, je l’ai oublié. Je l’ai oublié, je pense, entre 15 ans et 40 ans. Et je me le redis aujourd’hui. Donc, plutôt qu’à quel moment, moi, je me le suis dit, c’est: Qu’est-ce que j’ai envie de dire aujourd’hui à des jeunes filles qui ont 15 ans ? C’est qu’elles continuent de se le dire tout le temps.

Un échec, c’est ne pas avoir appris et ne pas se relever après une chute, ne pas tenter de se relever après une chute, c’est-à-dire abandonner d’une certaine façon, mais pas abandonner dans le sens ne jamais abandonner, mais dans le sens ne plus avoir la force de se relever et d’essayer de se relever, quitte à retomber après.

Laisse personne brider tes rêves.
N’abandonne jamais tes rêves, mais ne les abandonne pas non plus, c’est-à-dire travaille pour les réaliser.

Je crois qu’on ne peut pas dire oui sans avoir dit non à autre chose.

Pour en savoir plus sur Florence Gravellier

Suivre Florence Alix-Gravellier

Nous avons parlé du podcast avec Virginie Delalande et Christine Michaud.

Envie toi aussi de trouver le métier qui a du sens pour toi ? J’ai une invitation à te faire : le bilan de compétences nouvelle génération

Laisser un commentaire

 

%d blogueurs aiment cette page :